En quête de sérénité.

Seul le bruit des pas est présent. Les sabots qui cognent contre la roche, la corne qui s'abîment contre le roc. Le vent qui s'engouffre sous les crins et qui ébouriffe les poils. Il court entre mes jambes, sur ma peau, entre mes oreilles il siffle. Si j'ouvre la bouche, je pourrais presque le gouter. Le parfum du vent sur ma langue...

Mes pensées sont embrouillées, je le sais. Je marche sans me retourner, toujours plus haut, si vite que mes muscles me semblent crier de douleur. Et pourtant je profite de cette souffrance, je sais quel bien-être elle me procurera après. Et pourtant, quelquechose en moi me hurle de faire demi-tour, de m'arreter, de me reposer. Cet endroit est dangereux. Je sens le froid qui essaye de pénétrer sous mon pelage, sa morsure qui s'insinue sous ma peau pourtant brûlante. Je sais que la neige est traitresse. Je n'y suis pas encore, mais peut-être que d'ici quelques heures le sol s'effondrera sous mes pieds, je ne sais pas. Je deviens parano. Parano, parano, parano...

La petite grise continuait son voyage à travers ces terres inconnues. Elle arriva dans cet endroit plus que glacial. Ou donc pouvait elle être, marcher et réfléchir en même temps n'était pas une bonne chose. Le froid était mordant et elle détestait cela. Elle chercha un abris du regard et aperçu qu'elle n'était pas la seule à s'être perdu ici. Une jument blanche était là à quelques pas. Elle était si blanche que Light ne faillit la voir. Elle s'approcha prudemment car le sol semblait glissant. Elle lança un hennissement pour montrer sa présence.

Quelqu'un vient d'hennir... Il y aurait quelqu'un d'autre ? Moi qui pensait pourtant être seule... Peut-être devrais-je finir par me méler aux autres d'une façon ou d'une autre. Je ne comprend pas pourquoi les gens cherchent absolument a se regrouper comme les bêtes, les vaches, les porcs, les fourmis...

Elle s'était arretée, alerte, les oreilles dressées et les naseaux dilatés. Chaque parcelle de son corps luttait contre le froid et le vent qui lui interdisait l'accès à l'odeur de l'inconnue. Elle ne la voyait pas encore. Elle fit de nouveau quelques pas, la tête levée, avant de prendre une grande inspiration, le coeur battant, et d'hennir à son tour. Un cri bref, pointu, furtif. Un des premiers actes de socialisation qu'elle faisait depuis longtemps.

Qui est-ce? Un étalon ou une jument? Pourquoi ai-je henni? Oh je n'aurais pas du... Je vais peut-être tomber sur un psychopathe qui va me pousser du haut de la falaise, ou d'un poulain transi à moitié crevé et que je vais devoir aider - et Dieu sait si je hais les mômes. Si ça se trouve ce sera un étalon arrogant et fier comme je les déteste, qui ne va plus se sentir et essayer de me soumettre. Non Billie, arrete de t'imaginer tous ces scenarios tarabiscotés. Il n'arrivera rien de tout cela.

Une jument grise au corps long et effilé entra dans son champ de vision. Elle luttait contre la neige épaisse qui entravait ses membres. Elle semblait avoir terriblement froid. Les lèvres tremblantes et le corps grelottant, Billie fit quelques pas aussi maladroits qu'elle avant de prononcer quelques paroles qui furent à moitié avalées par le vent :
" Vous avez besoin d'aide? "
Alors que l'autre s'approchait, Billie se rendit compte qu'elle n'était pas du tout en difficulté, mais juste agacée par la couche blanche qui la génait dans ses mouvements. Aussitôt, Billie se senti mal à l'aise et recula de quelques pas..

" Bonjour je m'appelle Crazy Light ''

Elle affaissa ses hanches, redressant la tête et esquissant un mouvement de recul. Elle se sentait terriblement ridicule, et, de plus, complètement transie. Ses crins mouillés collaient à sa peau et devant ses yeux. En reculant, elle sentit son sabot glisser dans un trou. Elle sentit la panique lui monter à la tête comme une vague de gène, mais elle n'en laissa pas paraître une miette et répondit d'un charmant " Enchantée Crazy Light ", accompagné d'un large sourire commercial qui ne lui ressemblait pas du tout.
Elle essayait de faire pivoter son postérieur afin que son sabot se décoince. Bien sûr, elle avait de la neige jusqu'aux genoux ce qui n'aidait pas la manoeuvre. Ses mâchoires se crispèrent bien que son sourire freedent soit toujours présent, et elle fit un léger bond en avant lorsque sa jambe fut enfin libérée de son entrave. Elle sauta avec légerté sur la même corniche que Crazy Light et fut de nouveau gagnée par le même malaise que cinq minutes auparavant.

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