Un nouveau départ, une nouvelle vie, une deuxième chance. Depuis combien de temps en rêvais-je ? Des années ? Des mois ? Je ne sais, je ne me souviens pas. Depuis combien de temps n’avais-je pas goûté la saveur de l’espoir ? Trop longtemps, je crois. Trop longtemps pour que mon âme meurtrie soit guérie. Le passé est ancré en nous comme un terrible mal qui nous ronge. Inscrit au fer rouge dans chacun de nos pas. Il fait de nous ce que nous sommes. Je ne pourrai jamais oublier que j’ai vécu. Ce que j’ai enduré. Le temps ne lave pas toutes les blessures. Ne pardonne pas tout les crimes. J’en suis la preuve vivante. Quoi qu’il en soit, ces terres resplendissantes sont pour moi une terre promise. Ici, je renaîtrai de mes cendres. Posté au sommet d’une colline verdoyante, mon regard balayant les environs, je savoure la caresse du vent. Je sens mon esprit qui s’échappe, entité incontrôlable. Mais blessé par bien des choses. Devant moi s’étend une plaine herbeuse, calme, paisible. Au loin, le soleil décline, énorme boule rouge qui part pour d’autres horizons. Chemins que nous ne pouvons suivre. Pourtant, viendra un jour où chacun de nous doit entreprendre un voyage dont il ne connaît pas la destination. Le dernier voyage. Mais, je n’en suis pas encore là, j’ai encore du temps. La vie est longue, demain est encore un autre jour. Le ciel se pare de teintes rougeâtres, comme aspergé de sang. Bientôt, le bleu profond de la nuit pansera ses maux. Et moi, je regarde ce spectacle enivrant. Je me couche sur le sol doux et frais, je ferme les yeux, j’attends la nuit et ses étoiles.

Enfin, elles sont venues. Petits points blancs dans le ciel obscur. Je me lève et contemple une nouvelle fois le paysage. Sous l’éclat mystique de la lune, l’herbe prend une teinte bleutée, irréelle. Le ciel est profond et sans limites. Mais ce qui attire mon œil, c’est sa blancheur. Une porte, que je ne distinguai pas tout à l’heure sous la lumière du soleil. Je prends le galop, des foulées amples et souples, mes crins volent derrière moi, bannière de mon âme. La porte est toute près à présent, je la contemple avec curiosité. Une porte est censée mener quelque part. Mais elle, où mène-t-elle ? Vers un monde inconnu ? Des plaines célestes ? Je n’en sais rien, elle ne s’ouvre pas. Curieux, j’essaye de voir par le trou de la serrure en acier. Oh, que vois-je ! Des étoiles, par milliers, sans frontière ni barrière. Dommage que je ne puisse ouvrir cette porte et admirer le spectacle dans son entièreté. Mais une odeur me vient. Je me retourne, oreilles pointées en avant. Une silhouette approche. Une nouvelle rencontre. J’attends.

• Chaque fois que je ferme les yeux, se dresse devant moi la douleur et le sang. Je n'ose bouger, tétanisée par la peur de tomber, le sol sous mes sabots semble fait de vide, et je n'ose regarder en bas. La seule image a franchir la barrière de mon regard est celle du sang. L'odeur de la mort emplis mes naseaux, et n'emplis de peur. Mon pouls s'accélère et je me vois chuter. Mon corps rebondit sur la pierre, se meurtrit, et se couvre d'une matière rouge et odorante. Au bout de la chute, le sol, dur et froid, qui semble me briser, et immobile, incapable de me mouvoir j'attends que la mort vienne me prendre. Mais alors que je ferme les yeux, je les rouvre sur une prairie sans danger ni démons, l'air est pur et dénué de l'odeur de la mort, le ciel est clair, et les étoiles y brillant. Sur moi l'éclat de la lune se pose, et mon pelage noir se pare du bleu du ciel éclairé par la seule force de l'astre gris. Sous mon corps je sens l'herbe sa balancer, et un brin vert me chatouille une côte. Je me relève, agacée, c'est chaque fois le même rêve, le même cauchemars, et chaque fois le même réveil dans la sureté de la nuit. Jamais la nuit ne m'offrit soleil réparateur, et si mes rêves ne sont pas hantés de chutes, c'est le cri de la guerre qui résonne a mes oreilles. Je n'ai jamais connue la guerre. Je connais ce mot, je ne sais pas en quoi il consiste. Si mon être l'interprète, mon esprit refuse de le comprendre et le sens de ce la guerre se perd dans les méandres de ma mémoire, puits sans fond ou tout coule.
  Je me relève, le corps douloureux, comme si ma chute avait été réelle, une nouvelle fois la fatigue de la veille était présente. Mes sabots effleurèrent le sol avant de s'y enfoncer. Le vent frais rafraichit mon pelage sombre couvert de la sueur de la peur. Je m'ébroue, chassant les fourmillements qui ont envahis mon corps encore endormis et meurtrit. Le vent charria jusqu'à mes naseaux l'odeur d'un autre équidé. Je ne serais pas seule cette nuit, a rêver de ma mort, pour une fois le cauchemars ne recommencera pas dans la solitude. Je prend le pas et m'approche, mes crins noirs ne se soulevant pas sous la légère brise que porte la nuit. Je m'approche d'un cheval brun, sous l'éclat de la lune l'argent teinte sa robe, accompagné d'un bleu doux, le même qui recouvre l'herbe et ma robe, nous faisant paraître fantôme dans ce monde. Fantôme, c'est mon surnom.

[ Bien sûr ]

J’aime la nuit et son silence. J’aime ce vent nocturne qui nous conte les histoires du monde, tout aussi libre que nous. Nous n’avons ni barrières, ni frontières. Nous sommes tout aussi inssaisissables que le vent lui-même. Sous cette lueur bleue de la lune, la plaine prend un air fantastique, magique. La silhouette se rapproche, elle est d’un noire d’encre, se confondant avec l’obscurité du ciel. Dis-moi, es-tu un songe de mon esprit ? Ou bien un démon revenu hanter les vivants aux heures sombres, fantôme égaré entre les époques. Mais non, cette silhouette est bien réelle. C’est un étalon, plutôt trapu, aux crins rêches et emmêlés. Il a une allure égarée, comme un fantôme. Le vent ne fais pas danser ses crins. Cet étalon noir, on dirait qu’il vit en marge du monde. Rien ne l’atteint, même pas la brise nocturne. D’où viens-tu ? Quelle est ton histoire ? Quels sont les événements inscrits dans tes pas, qui te font aujourd’hui paraître fantôme ? Je le regarde avec respect, il m’intrigue.

« Bonsoir. »

Formule de politesse. Il va répondre la même chose que moi. Mais que serions-nous sans ces formules de politesse ? Simples petits mots qui tissent des liens entre les âmes de ce monde. Liens qui ne sont pour moi que mythes, légendes. Je n’ai connu que l’amour d’une mère, et la fierté d’un père. Pourtant, je sais qu’il y a tant d’autres sentiments à éprouver, et il tarde à mon cœur de les découvrir. Gigantesque palette de sensations. On dit que certaines peuvent vous détruire. D’autre encore, vous transporte vers d’autres horizons. Que de choses que j’ignore ! Je lève les yeux et perds mon regard dans les étoiles. Elles sont si lointaines … Pourtant, elles brillents avec une intensité remarquable. Elles font luir cette porte blanche, à la poignée métallique.

« Avez-vous déjà regardé par la serrure ? »

Je suis curieux. Cette même curiosité qui m’a poussé à regarder à travers ce métal sombre, sur lequel le temps laisse des traces. J’y ai vu un monde, un endroit si impossible que j’en ai presque eu peur. J’attends patiemment sa réponse. La nuit sera longue je le crois. Je ne trouverai pas le sommeil, bien trop nerveux de découvrir ce monde. Mais voilà que le vent m’apporte déjà une autre senteur. Encore quelqu’un ? Nous ne serons pas des solitaires cette nuit, à la lueur des étoiles.

• Mes crins revêches se déposèrent sur mon chanfrein sous l'effet d'un coup de vent. Sa morsure me fait frissonner, l'air est vide de la senteur de la mort dont j'ai rêvée. Seuls mon odeur et celle de l'étalon brun habitent l'air... Ainsi que l'odeur d'une jument qui m'arrive, atténuée par le vent diffus. Mon regard se posa sur l'étalon qui me salua. Les formules de politesse habituelles. Je ne les apprécies guerre, et les utilises peu. L'expression Bonsoir par exemple est stupide, car elle ne peut que s'utiliser en fin de journée, mais une fois la nuit tombée il faudrait dire " Bonne nuit" ce qui ressemble plus a une formule d'au revoir qu'à une salutation. Quand a "Bonjour" il englobe l'intégralité de la journée, c'est un terme trop vague, et il ne serait utilise que si bonsoir n'existait pas. C'est pourquoi je préfère ne pas utiliser ces formules trop mal adaptées. - Le ciel est dégagé ce soir... Les étoiles sont visibles ... - Finis-je donc par souffler. Mon regard se perdit sur l'horizon clair malgré l'absence de l'astre de feu qui fait étinceler durant la journée ma robe noire. En cet instant seul la lumière argentée de la lune baigne la terre et nos deux corps... Nos trois corps. L'autre cheval c'est approché, je pourrais le voir, si seulement je me retournais. Mais que vas t-il m'arriver si je me retourne ? Tomberais-je comme dans mon rêve ? Ma chute détruirait-elle la paix et l'équilibre de la nuit ? J'ai beau inspirer, l'air est frais, et le sang de mon rêves ne m'atteint pas. Je me retourne.
  
  Sa robe est claire, son regard amical. Sous les rayons lunaires elle semble faite d'argent, comme le serait un fantôme. Mais non, le rôle de fantôme est mien. Elle, elle est vivante, elle, elle est quelqu'un. Moi je ne suis rien. Je suis du regard les courbes de son corps si féminin. Ces crins lisses, et ordonnés. Moi que suis-je ? Trapue, les crins emmêlés, je suis plus étalon que jument. Je suis musclée, et taillée a la vie sauvage, je ne suis pas délicate, et parfois lente a la réaction. Non, je n'ai rien d'enviable. Absolument rien. Ce mot est a souligner. J'appartiens au néant. Eux ils sont uniques, tous différents, ils ont une vie, ils ont un passé, des souvenirs, de l'expérience. Mon regard fatigué de ces nuits sans sommeil dérive sur le plaine immense et verte. J'ai déjà oublié la question que m'a posé l'étalon. La jument a parlé, je l'avais presque oubliée elle aussi. Mes pensées prennent trop de place. Comment m'a t-elle appelée ? Monsieur ? C'est une blague ? Mes oreilles se pointent vers l'arrière un instant, mais ce n'est pas sa faute, après tout, je n'ai rien de féminin, et mes oreilles retournent vers l'avant d'un mouvement rapide. Je ne veux pas me faire d'ennemis, j'ai déjà trop peu d'amis. Quelle belle nuit ? En effet, c'est une belle nuit. Tout du moins depuis que je suis réveillée. Mes nuits de sommeil ne sont ni douces ni belles.

[ Han, désolée ]

Le regard sombre de Dragon se posa sur la jument qui lui faisait face. Lorsqu’elle était arrivée, il aurait plutôt misé sur un mâle. Mais l’aura qui l’entourait excluait cette possibilité. Elle ne répondit pas à sa question, absorbée par des pensées qui semblaient bien sombres. Sa bouche s’ouvrit et sa voix se fit entendre, doux murmure dans le silence glacé de la nuit. Elle avait raison. Le ciel était dégagé, les étoiles s’offraient à eux. Mais l’étalon se remémora le spectacle qu’il avait aperçu par la serrure. Un paysage à couper le souffle, complètement irréel. Il en vint alors à se demander si ce qu’il avait vu était vrai. Peut-être n’était-ce qu’une illusion due à la fatigue ? Il rangea cette question dans un coin de sa tête et détailla la nouvelle venue.

Une jument, elle aussi. Elle arborait une belle robe pie, aux tâches claires, et son regard pétillait d’intelligence. Ses longs crins fins et soyeux tombaient nonchalamment sur ses épaules et sa croupe, tels des cheveux d’ange. Délicate et fine, on aurait dit qu’une rafale de vent aurait pu la briser en deux comme un fétu de paille. Elle s’approcha lentement, avec respect, un sourire aux lèvres. Sa voix carillonna comme du cristal dans le silence nocturne et elle les salua. Cependant, elle prit l’autre jument, aussi noire que la nuit, pour un étalon. Dragon fut sur le point de lui faire remarquer gentiment son erreur, mais elle se rattrapa bien vite, extrêmement confuse.

Le mâle bai esquissa un sourire amusé. Tout le monde faisait des erreurs, c’était normal. De plus, l’excuse semblait acceptée, et le calme se poursuivit. La jument tacheté souhaitait connaître leurs noms. Dragon tressaillit malgré lui. Quoi de plus normal ? Depuis sa plus tendre enfance, le nom de sa lignée le hantait comme un cauchemar, ombre démoniaque accrochée à chacun de ses pas. Pourtant, il prit le risque de répondre.

« Dragon Emperor. »

Prononça-t-il simplement. Par moment peu bavard, il n’aimait pas s’épancher en discours qui n’en finissait plus. De plus, les noms ne sont que des syllabes pour nous reconnaître. Ils ne sont en rien responsables de ce que nous sommes.

• [ ]
  
  Je regardais la jument. - Pas de problèmes - Lui répondis-je avec un sourire. Cette soirée si douce portait a sourire, je me sentait presque légère d'entendre ces deux chevaux échanger quelques paroles. J'ai si peu de contacts avec les autres chevaux, c'est agréable de pouvoir faire marcher ces cordes vocales de temps a autres. Mon regard se posa sur l'horizon, avant de se centrer sur les deux chevaux. L'étalon c'était présenté. Bien que je n'aime pas parler de ma personne, il n'y auras pas de mal a me présenter. Je me sens mieux, ou plutôt bien, depuis que cette jument a parlé. Sa voix est calme, gentille, bien plus agréable que celle de beaucoup d'autres chevaux. Elle est si féminine, cela pourrait me faire envie, mais je suis bien comme je suis. Bien dans ma peau, ou presque. L'étalon s'appelait donc Dragon Emperor. Je les regardais tour a tour, laissant mon regard errer sur chacun d'eux. Je pris mon temps pour les détailler chacun a leur tour. Je soupirais et m'ébrouais, ils allaient me prendre pour une folle si je ne répondais pas. - Vous n'avez qu'à m'appeler Ghost. - Leur dis-je avec un sourire contrit. Ce n'est pas mon vrai nom, mais j'ignore mon vrai nom, et il y a longtemps qu'on m'a privé du droit de posséder une identité. Je n'aurais pas de nom tant que je ne connaîtrais pas mon vrai nom.

La nuit avançait en silence au-dessus de nos têtes. Les minutes passaient lentement, mais inexorablement. La lune était tout à fait levée à présent, et sa lumière argentée permettait à Dragon de distinguer un peu mieux les deux juments qui lui faisaient face. Ghost était trapue et noire, à l’exception de quatre balzanes et d’une liste qui parcourait son chanfrein. Jument de race mustang sans hésitation, il était vrai qu’elle avait un peu l’allure d’un mâle. La jument pie, elle, était toute fine. Sa belle robe pie se détachait sur le bleu sombre de la nuit. En les regardant de plus près, Dragon eut l’impression de regarder deux opposés. L’une à la robe claire, l’autre à la robe sombre. Ainsi que leurs deux physiques qui étaient totalement opposés. Dragon était presque sûr que d’autres mâle auraient été ravis d’être ici, en compagnie de ces deux demoiselles, mais pas lui. Il voulait juste discuter, faire connaissance. Pour lui, le sentiment amoureux relevait de l’abstrait, ne l’oublions pas. Ghost était étrange, comme si elle vivait dans un autre monde, bien au-dessus de ses deux interlocuteurs. Dragon se demanda si elle faisait partie de ces chevaux que le passé a brisés pour toujours. Des actes qu’ils ont vu ou commis, qui les ont démolis à jamais. Comme lui. Il ôta ses pensées sombres de son esprit, et se tourna vers la jument pie.

« Et vous ? Qui êtes-vous ? »

Demanda-t-il avec un sourire rassurant. C’était plus fort que lui. Il avait besoin de calmer son entourage, de garder le contrôle de la situation. Quand les événements s’envenimaient, il ne se départait jamais de ce calme froid, qui lui permettait de réfléchir en toute circonstance.

Le soleil se levait. Peu à peu, ses rayons dorés perçaient l'horizon, répandant leur douce chaleur sur la plaine. Le ciel prit des teintes roses pâles, tandis que l'obscurité fuyait à grande vitesse. La lune commençait à s'effacer, laissant à son ami doré la lourde tâche de veiller sur ce monde. Le vent se rafraîchit et Dragon goûta cette caresse froide avec bonheur. Cela lui remettait les idées en place, chose dont il avait bien besoin. La lumière reprenait peu à peu ses droits, et la végétation retrouvait ses couleurs. La teinte vert émeraude de l'herbe parut sous leurs sabots, le vert profond des sapins et autres arbres émergeaient dans les environs. La blancheur de la porte n'en fut que plus éclatante, et la poignée ressemblait à une tâche sombre, minuscule parcelle de nuit restée accrochée au bois. Ghost devint ombre dans un monde clair. Sa robe d'un noir brut se voyait magnifiquement bien sur les teintes de la plaine. Cependant, le soleil faisait briller son pelage d'éclatants reflets fauves, lui donnant un certain charme sauvage. Little Sun semblait s'illuminer. Sa robe blanche entourée des rayons du soleil, elle avait l'air de sortir tout droit d'un rêve. Ses taches crèmes apaisaient cette clarté immaculée. Le mâle, lui, prenait peu à peu des reflets sombres. Le brun de sa robe reparut, le noir de ses yeux ressortit. Un silence paisible tomba sur le trio, tout trois étant occupés à regarder l'astre jaune se lever. Les oiseaux se remirent à chanter, et dans peu de temps, les autres chevaux de ces terres ressortiraient pour un nouveau jour. Ce fut la voix de Little Sun qui tira Dragon de ses rêveries. Elle était nouvelle ici, tout comme lui. Combien de chevaux arrivaient-ils ici par jour ? Combien vivaient sur ces terres ? Etaient-ils nombreux ? Ou au contraire trop rare ? Comme Ghost gardait le silence, l'étalon prit la parole.

« Je suis moi-même arrivé récemment. Il est vrai que cet endroit est très étrange. »

Cette porte blanche plantée au milieu de la verdure semblait les défier. Mettant quiconque la voyait à l'épreuve de son secret. Quelle incroyable magie opérait ici ? Des dieux ? Des forces dont on ne soupçonnait même pas l'existence et encore moins la puissance ? Nul ne saurait le dire.

• Le soleil se levait, la caresse de ces rayons effleura ma robe et je dut retenir un frisson de plaisir. Plus de cauchemars avant ce soir. Douze longues heures de tranquillité. Je soufflai doucement dans l'air du matin. La relative chaleur m'entourait si agréablement que j'aurais pu rester des heures ici sans bouger, a simplement écouter mon cœur et la nature battre a l'unisson sous ce ciel d'automne. Quelques oiseaux accompagnèrent le réveil de la nature, et sur mes paupières closes ce posa le soleil. Je rouvrais les yeux sur une plaine chatoyante, dont l'herbe ondulait doucement au gré du vent. Bientôt d'autres chevaux arriveraient et la peuplerait. Bientôt nous ne serons plus seul.
  Mes deux comparses ont échangés quelques paroles, je n'en ai pas écouté un mot, des choses futiles et sans importance, sinon mon cerveau les aurait gardé en mémoire. L'étalon avait demandé a la jument claire qui elle était, elle avait du y répondre par une réponse banale, quelque chose comme " non je suis nouvelle". Tous le monde répond sa. Tout du moins ici tout le répond sa. Personne n'est-il donc capable de rester un peu dans ces lieux ? Personne n'ose t-il goûter plus longtemps a la saveur des journées d'été ? Suis-je donc seule ici a avoir vécu plus que quelques mois sur ces terres ? Mais moi je ne suis pas normale. Moi je suis étrange.. Moi je suis unique. Moi je suis folle. Moi je suis folle, et personne ne comprend la folie, alors oui, je reste ici, et personne ne me connait, et je ne connait personne. Je suis seule, et je le reste, et chacune de mes rencontres ne reste qu'une rencontre car jamais je ne revoie le cheval que j'ai rencontré, car déjà il est repartit a la conquête du monde, et car jamais ici personne ne reste. Lui non plus il n'est pas resté. Lui aussi il est partit. Déjà mes souvenirs se fanent, et son corps n'est plus qu'une silhouette dans ma mémoire. Je suis seule, je le reste. Nous aurions pu être deux, mais il est partit, et a nouveau, et pour toujours, même entourée des autres, je suis seule, car les autres existent, alors que moi que subsiste.